Deux aspects me semblent particulièrement problématiques :
La surenchère commerciale ne connaît plus de limite et la ville croule sous les deux millions de visiteurs qui envahissent ses places et ses rues. Beaucoup de Strasbourgeois (j’en suis) ne sortent plus durant cette période pour une manifestation qui n’est plus la leur. Je fais le pari que, comme tout ce qui est excessif, ce marché va finir par s’effondrer sous son propre poids. Les Eglises protestantes avaient déjà protesté il y a quelques années contre le projet d’ouvrir le marché le 25 décembre et de le prolonger jusqu’au 6 janvier (au prétexte, nous a-t-on dit, que les orthodoxes fêtaient Noël à l’Epiphanie…), projet qui a heureusement été abandonné. Depuis une vingtaine d’années, les Eglises chrétiennes s’efforcent durant cette période de rappeler le sens chrétien de Noël, à travers diverses manifestations dont certaines bénéficient du soutien des collectivités publiques. Mais force est de constater que ces efforts sont à peine perceptibles dans cette foire généralisée. Lorsqu’en 1570, les autorités municipales protestantes avaient décidé de remplacer le marché de St Nicolas par celui de l’enfant Jésus, le « Christkindelsmärik », c’était pour que ce marché du temps de l’Avent permette de se préparer à la fête de la Nativité du Christ. Nous en sommes bien loin, et le marché de Noël est devenu quelque chose comme Halloween, car il paraît que le concept s’exporte bien en Chine ou aux Etats-Unis.
La surenchère commerciale est doublée depuis 2015 par une surenchère sécuritaire, dont on a malheureusement pu constater l’échec le 11 décembre dernier. Il ne s’agit évidemment pas de mettre en cause le travail des services de sécurité et le dévouement admirable dont font preuve les forces de l’ordre. Mais la mission est impossible et le résultat, c’est une ville en état de siège durant 5 semaines, Strasbourg transformée en gigantesque forteresse commerciale. C’est une contradiction absolue avec l’esprit de Noël qui est celui de la paix et de la simplicité.
Ne serait-il pas temps de réfléchir à une modération ou une stabilisation (je n’ose parler de décroissance !) du marché de Noël, à une réorientation vers plus de simplicité et de sobriété, et même à une réduction des mesures de sécurité (ce qui serait une autre manière de montrer aux terroristes qu’ils ne nous font pas peur) ?
Face aux intérêts économiques qui ont tant de mal à sortir du « toujours plus », comme le montre la crise écologique qui met notre planète en danger, serons-nous capables, en tant que consommateurs et acteurs de notre ville et de notre société, du sursaut nécessaire et décisif pour changer de comportement et nous convertir à la sobriété heureuse ?
En assumant la critique de ces propos, je ne pense pas être rêveur, rétrograde ou ennemi du commerce. Mais aux côtés de celles et ceux qui se battent pour plus de justice (sociale, économique et climatique) et de paix, je ne me résous pas à accepter que 2000 ans après le premier Noël, Marie et Joseph ne trouveraient toujours pas de place dans les hôtels surbookés de Strasbourg et que le bruit des armes se mêle toujours encore aux pleurs du massacre des innocents.