Luther, étude de la Bible, Pierre-Antoine Labouchère © Musée du protestantisme

Matthieu Arnold, Professeur d’histoire moderne Faculté de Théologie protestante de Strasbourg, nous livre un condensé de l'histoire des débuts du protestantisme.

Un contenu à retrouver sur dans un dépliant « Ce que nous croyons« 

A la redécouverte de Dieu

Le 31 octobre 1517, Martin Luther (1483-1546), moine de l’ordre des Augustins, invite à débattre au sujet du pouvoir des indulgences. Il informe sa hiérarchie des 95 thèses qu’il a rédigées à cette fin et entend simplement mettre les chrétiens en garde contre des idées trompeuses : « Ces malheureuses âmes se figurent que, si elles achètent des lettres d’indulgences, elles sont sûres de leur salut ; elles croient aussi que les âmes s’envolent du purgatoire aussitôt qu’on a mis son offrande dans la caisse » (Lettre à l’archevêque Albert de Brandebourg).
Rappelons-nous que les chrétiens de l’époque sont angoissés par la question : « Que devient mon âme après la mort ? »
Dans son cours sur l’épître de Paul aux Romains (1515 – 1516), Luther vient de redécouvrir que le salut ne se mérite ni ne se monnaye : Dieu sauve gratuitement ceux qui placent leur confiance en lui. Les 95 thèses renferment déjà les principaux éléments de sa pensée. Les « grands écrits réformateurs* » de 1520 présentent un exposé abouti de la théologie de Luther.

Avant tout, la Bible

Le message et les actions de l’Église doivent se fonder sur la Bible, « l’Écriture seule » : « Le vrai trésor de l’Église, c’est le sacro-saint Évangile de la gloire et de la grâce de Dieu » (Thèse 62). À une Église qui préfère un message au goût du jour, « la grâce pour tous » en achetant des indulgences, Luther oppose la Parole de Dieu : parole de miséricorde, qui prend au sérieux les craintes humaines et qui réconforte, mais aussi parole de vérité, qui ne tait pas les exigences divines.

Avant tout, une foi vécue

À des croyants centrés sur leur propre salut, vivant leur piété de manière égoïste, Luther proclame la supériorité du partage et de la solidarité : « Celui qui donne à un pauvre […] fait mieux que s’il achetait des indulgences » (Thèse 43). Il ne s’agit plus, certes, de contraindre Dieu à récompenser de « bonnes œuvres », mais ces œuvres d’amour, libres et désintéressées, découlent tout naturellement du salut offert par Dieu.

Avant tout, une Église qui annonce l’Évangile

En critiquant les indulgences, Luther remet en cause le pouvoir du pape sur l’au-delà (le purgatoire, où les défunts non réconciliés avec Dieu passaient, dans les tourments, un temps plus ou moins long) et contrarie les appétits financiers de son Église. Au début de 1521, il est finalement excommunié d’une Église qu’il voulait seulement rendre plus fidèle à l’Écriture. Luther critique toutes les croyances et les pratiques qui ne se fondent pas sur la Bible (ainsi, le célibat obligatoire des prêtres). Il s’exprime dans un allemand extrêmement vivant. Plus encore, il insiste sur le réconfort de l’Évangile. Ainsi il emporte la conviction de milliers de lecteurs qui deviennent autant de partisans. Sans Luther, pas de Réformation. Tous les grands Réformateurs reprendront l’idée que l’Église ne gère pas, mais annonce le salut gratuit révélé dans l’Écriture et acquis par Jésus Christ.

Un Dieu, cela veut dire celui dont on doit attendre tout bien, et auprès duquel on doit chercher refuge en toute détresse. Ainsi donc, avoir un Dieu, ce n’est rien d’autre que de lui faire confiance et de croire en lui de tout son cœur. […] Les deux sont liés, la foi et Dieu. Là où, dis-je, tu accroches ton cœur et où tu te fies, là est véritablement ton Dieu.

Martin Luther, extrait du Grand Catéchisme (1529)

D’autres réformateurs encore

Sur des questions moins fondamentales, dès les années 1520, des voix discordantes s’élèvent dans son propre camp.

Huldrych Zwingli (1484-1531), prédicateur à Zurich, va plus loin dans la rupture avec la piété traditionnelle. Ainsi, il juge que les croyants n’ont pas besoin de la musique ou des images. Quant aux sacrements (les Réformateurs n’ont conservé que le baptême et la cène), ils constituent pour lui plus une réponse humaine à l’amour de Dieu qu’un moyen par lequel – à côté de la Parole prêchée – ce dernier communique sa grâce aux hommes. Zwingli donne à la piété réformée la tonalité dépouillée qu’elle a conservée jusqu’à nos jours.

Jean Calvin (1509-1564), par qui la Réformation s’établit en France, marque, grâce à son « Institution de la religion chrétienne », le français au même titre que Luther a façonné l’allemand. Lui aussi a rédigé des catéchismes et des chants. Avec ses mots, il a exprimé le « solus Christus » (« Si nous demandons rédemption, sa passion nous la donne. En sa damnation nous avons notre absolution »), et l’idée rassurante que les humains se trouvent entre les mains de Dieu (providence), dont il exalte la gloire. Comme Martin Bucer (1491-1551), le Réformateur de Strasbourg, auteur du traité « Que nul ne vive pour soi-même, mais pour les autres », Calvin se préoccupe des conséquences de l’Évangile sur la vie des chrétiens en société.

On ne saurait oublier les anabaptistes, les ancêtres des Mennonites, qui ne baptisent que des adultes. Ils mettent au centre de leur éthique le Sermon sur la montagne (Matthieu 5-7), avec l’interdiction de la violence et la séparation stricte entre la religion et la politique.

Quoique marquée par les grandes idées de Luther, dès ses origines la Réformation est plurielle – à l’image sans doute du christianisme en ses débuts, dont elle se réclame.

Lire plus loin…

  • Les grands écrits réformateurs de Luther en 1520 : Appel à la noblesse allemande, Traité sur la captivité babylonienne de l’Église, La liberté du chrétien
  • Thomas Kaufmann, Histoire de la Réformation, Genève, 2014
  • Protestantismes. Les textes fondamentaux commentés Le Point, Références, Hors-série, Mai-Juin 2014
  • Martin Luther, Les quatre-vingt-quinze thèses (1517) Éd. Matthieu Arnold, Lyon, Olivétan, 2014

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