Katherine Von Bora

La Réforme protestante a eu un impact certain sur la vie des femmes. Anne-Marie Heitz-Muller, historienne et docteur en Théologie protestante, propose un survol de l'histoire des femmes et de la Réformation à Strasbourg au XVIe siècle.

Un mouvement qui change la vie des femmes 

Les Réformateurs strasbourgeois sont d’éminents spécialistes de la Bible et de la linguistique. Ce fait, qui semble très éloigné du quotidien des femmes, a pourtant des conséquences directes sur leur vie. Martin Bucer et ses collègues rêvent de faire de Strasbourg une « ville sainte », dans laquelle tous les habitants peuvent lire quotidiennement la Bible au sein même de leur foyer. C’est à cette fin qu’ils proposent des cours pour adultes, hommes et femmes. 

 

Instruire les garçons  et les filles 

Les Réformateurs veulent faire de Strasbourg une ville sainte, mais aussi une ville savante, ce qui est sans doute lié à la forte empreinte de l’esprit humaniste dans la région. Pour ce faire, il faut prendre en charge l’éducation des enfants. Le pédagogue Jean Sturm crée le Gymnase, dont la qualité d’enseignement attire des jeunes garçons de toute l’Europe. Mais les Réformateurs strasbourgeois, à la suite de Martin Luther, n’en oublient pas moins les filles. Dès 1524, ils lancent un appel résolu pour demander que l’on crée des écoles pour les Strasbourgeoises et proposent des mesures concrètes. De fait, les établissements scolaires féminins se développent et changent la vie de nombreuses fillettes, en particulier de celles issues de milieux modestes qui, sans cela, n’auraient jamais eu accès à la lecture et à l’écriture.   

Revaloriser le travail féminin 

Les Réformateurs accordent aussi une place importante  au travail féminin, bien mal perçu au XVIe siècle. Ils donnent un sens théologique aux tâches considérées comme spécifiquement féminines. Ils revalorisent de ce fait  les professions du social et de la santé, peu reconnues  au sein de la société – dans les hôpitaux, les orphelinats, les léproseries notamment – et dans lesquelles exerçait  une majorité de femmes. Les Réformateurs strasbourgeois donnent une dimension nouvelle à ces métiers en affirmant que celles qui travaillent dans ces structures n’exercent  pas simplement une activité lucrative mais se mettent  au service de leur prochain et ainsi, de Dieu lui-même. 

Les femmes et la parole publique  

Si les discours des Réformateurs strasbourgeois ont pu être utiles aux femmes, il faut relever aussi l’habileté de ces dernières ! Elles savent s’appuyer sur ces discours masculins pour conquérir une reconnaissance nouvelle, pour se créer des rôles dans lesquels on n’était pas habitué à les voir au XVIe siècle. Elles ont accès, par exemple, à la parole publique dans la cité alsacienne plus facilement qu’ailleurs, et ce pour une période bien plus longue que dans les autres villes de la Réformation, où les femmes ont été plus rapidement ramenées au silence. 

La conjonction entre l’atmosphère de tolérance qui règne à Strasbourg dans la première moitié du XVIe siècle et l’esprit particulièrement ouvert des Réformateurs de la ville permet donc aux Strasbourgeoises de vivre de réelles avancées, à toutes les étapes de leur vie. Donnant une nouvelle explication des textes jusqu’alors utilisés pour soumettre les femmes, les Réformateurs amènent de véritables progrès dans leur ville en passant outre les préjugés de leur temps. 

 

Catherine Schütz Zell 

L’exemple le plus probant de ce nouveau type de vie possible pour les Strasbourgeoises est celui de Catherine Schütz, l’épouse du Réformateur Matthieu Zell. Catherine voulait mener une vie pieuse et avait pour cela choisi de rester célibataire. Mais, convaincue par le message de Luther, elle décide de se marier et, qui plus est, d’épouser un prédicateur pour se conformer à la volonté divine et pour marquer son engagement en faveur de la Réformation. Face aux nombreuses critiques qui suivent la noce, la jeune femme décide de justifier cette union par écrit et de prendre la défense de son époux. 

« Je ne suis qu’une pauvre femme… comme disent certains »  Catherine Schütz Zell 

Catherine joue par ailleurs un rôle considérable dans la vie sociale et même politique de Strasbourg. Elle s’engage tout au long de sa vie  en faveur des plus démunis – pauvres, prisonniers, condamnés à mort, réfugiés, malades. Elle n’hésite pas à s’adresser directement au Conseil de la Ville pour dénoncer l’état de l’hôpital qu’elle juge déplorable. Elle est en contact direct avec Martin Luther qui songe à lui confier des tâches de politique ecclésiale.  

Femme généreuse, tolérante, Catherine Zell est aussi l’une des plus publiées de son temps : ses lettres de consolation ou d’édification, ses réflexions bibliques, catéchétiques ou polémiques, ses cantiques reflètent le large spectre  de son action. 

Épouse de prédicateur, écrivain, « mère de l’Église » comme elle aimait se désigner, Catherine a su profiter de la brèche ouverte par les Réformateurs et utiliser sa voix et son énergie au service de son engagement et de sa foi. 

 

Lire plus loin… 

 

– Anne-Marie Heitz-Muller, Femmes et Réformation à Strasbourg : 1521-1549, Paris, Presses universitaires de France, 2009  

– Elsie Anne McKee, Katharina Schütz Zell, Leiden, Brill, 1999 (en anglais) 

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