Un article proposé par Frédéric Rognon, professeur de philosophie à la faculté de Théologie protestante de Strasbourg.

A retrouver dans le dépliant Ce que nous croyons

La Réforme, à Dieu seul la gloire !

C’est sacré ! 

Les hommes ont tendance à sacraliser certains de leurs projets ou de leurs réalisations. Les idéologies politiques fonctionnent souvent comme des objets religieux intouchables. Aujourd’hui, les compétitions sportives, la croissance économique, les innovations technologiques, captivent notre attention et deviennent aussi sacrées. Le mot « sacré » est de la même famille que « consacrer ». Si les performances d’une équipe nationale, la hausse de la consommation ou le dernier e-pad à la mode sont sacralisés, cela signifie que notre temps, notre argent et finalement notre vie leur sont consacrés. Nous en faisons un absolu, et par conséquent tout le reste n’a plus qu’une valeur très relative. 

 

L’ambiguïté des œuvres humaines 

Or tout ce à quoi nous donnons du poids se révèle être un jour ou l’autre très ambigu. Les idéologies politiques produisent souvent le contraire des belles valeurs qu’elles prônent. On voit le sport devenir prétexte au chauvinisme, à la corruption, au dopage. Les sorties de crises économiques n’ont qu’un temps, et une croissance infinie dans un monde aux ressources limitées s’avère un leurre, si ce n’est un dangereux mirage, lourd de menaces pour la qualité de vie. Quant à la production ininterrompue de nouveaux gadgets technologiques, elle génère aussi de nouvelles addictions. Tout ce qui provient de l’être humain donne ainsi le meilleur et le pire, indissociablement liés. 

A Dieu seul la gloire 

Ce constat de l’ambiguïté de toutes les œuvres humaines a conduit les Réformateurs du XVIe siècle (Martin Luther et Jean Calvin) à affirmer : « À Dieu seul la gloire ! », « Soli Deo Gloria » en latin. Dieu seul est la source de toute chose, lui seul donne un sens à notre vie, lui seul nous offre la liberté et le bonheur. Par conséquent lui seul mérite que nous lui rendions un culte. Toute glorification de ce que l’homme produit par lui-même serait de l’idolâtrie. Rien n’est divin ou absolu en dehors de Dieu. Les protestants sont donc particulièrement vigilants envers toute entreprise humaine qui prétendrait revêtir un caractère sacré.  

Tu n’adoreras pas d’autres dieux que moi

La Bible, Exode 20, 3

Dieu sacré ou saint 

Pour les protestants, rien n’est donc sacré sur la terre. Ni les lieux, c’est pourquoi il n’y a pas de pèlerinage : ainsi Jean Calvin a choisi de ne pas faire connaître l’emplacement de sa tombe. Ni les personnes, c’est pourquoi il n’y a pas de prêtres : ainsi les pasteurs sont des « bergers » et nul n’est plus proche de Dieu qu’un autre ! Ni les objets, c’est pourquoi il n’y a pas de reliques : ainsi Calvin avait calculé que si l’on rassemblait toutes les reliques du monde, chaque apôtre aurait plusieurs dizaines de bras et de jambes…  

Mais s’il n’y a rien de sacré sur terre, il n’y en a pas davantage… au ciel ! Car Dieu n’est pas sacré : il est saint ! Et ce n’est pas du tout la même chose. Ce qui est sacré conduit à l’esclavage qui nous fait passer à côté de notre propre existence. Ce qui est saint est source de vie. Parler de Dieu comme d’un Dieu saint, c’est dire qu’il est vivant, qu’il est le Dieu de vie qui veut que nous soyons nous-mêmes pleinement vivants. 

Vivre dans le relatif et le provisoire 

Tout ce que nous venons de voir ne signifie pas que nous devrions nous désintéresser des réalités du monde, nous désengager des débats politiques, des enjeux économiques ou des compétitions sportives. Cela signifie que toutes ces choses, qui constituent le cadre de notre existence, sont vues comme très relatives et très provisoires. Plus exactement, les protestants tendront à privilégier, parmi les réalités terrestres, celles qui font de la place à la pluralité des opinions et à la liberté de conscience (comme la démocratie), et celles qui savent s’autolimiter (comme la sobriété). Ils auront donc tendance à désacraliser, voire à profaner, tous les pouvoirs et tous les idéaux qui se donnent pour sacrés. Car ceux-ci ne méritent ni la consécration de notre vie, ni le sacrifice de ce qui fait la sève et la saveur de notre existence. 

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