Déclaration du Conseil de la Communion des Églises protestantes en Europe
à l’occasion du 1700e anniversaire du Concile de Nicée
En 2025, le 1700e anniversaire du Concile de Nicée a été célébré dans de multiples lieux sous la forme de conférences universitaires et d’événements commémoratifs ecclésiaux. Nous, Communion des Églises protestantes en Europe (CEPE), voulons nous associer à cet événement international parce que nous nous sentons très redevables au Concile et à ses décisions.
Le Concile de Nicée est parvenu à formuler un credo qui affirme notre foi en un seul Dieu – le Père, le Fils et le Saint-Esprit – en rendant compte du témoignage biblique.
Pour nous aujourd’hui, l’importance du Concile tient essentiellement à trois aspects : la valeur doctrinale de la confession de foi conciliaire, le rôle du pouvoir politique dans les affaires ecclésiastiques et l’instauration d’une date de Pâques commune. Nous examinerons chacun de ces trois points en détail et les analyserons à la lumière du document fondateur de la CEPE, la Concorde
de Leuenberg.
1. Valeur doctrinale de la confession de foi
Conscients que la doctrine inscrite dans la confession de foi de l’an 325 n’a pas immédiatement mené à la pacification des violentes disputes dogmatiques qui agitaient la région nicéenne, mais reconnaissants que ce Concile ait permis d’approcher le mystère biblique de l’incarnation de Dieu par le biais du concept philosophique de consubstantialité (ὁμοουσία), nous considérons que ce texte de
base a ouvert la voie à des développements qui, tout au long du IVe siècle, ont mené à l’élaboration du symbole de Nicée-Constantinople largement accepté aujourd’hui au niveau œcuménique.
La Concorde de Leuenberg s’inscrit délibérément dans cette tradition doctrinale (art. 4 et 12 CL), conformément à la ligne théologique réformée qui se réclame explicitement des symboles de l’Église ancienne. Nous sommes convaincus que cette référence, loin d’être une marque de traditionalisme involontaire, exprime la vision théologique selon laquelle la doctrine de la justification repose sur
celle du Dieu trine (art. 8 CL).
L’expression de la foi trinitaire a marqué une rupture dans la conception de Dieu et reste hautement pertinente aujourd’hui, d’autant plus que l’idée selon laquelle la croyance en un Dieu trine constitue une difficulté non nécessaire est largement répandue. Le concept chrétien de trinité est constamment remis en question, notamment dans les rencontres interreligieuses, et il est souvent difficile à communiquer dans le monde laïc. Nous saisissons donc l’occasion du jubilé du Concile pour réaffirmer notre engagement à confesser la centralité de Jésus-Christ et de la trinité divine dans toute leur portée salvifique que souligné la formule « pour nous et pour notre salut ». Nous qui partageons un même parcours confessant, nous nous engageons à trouver de nouvelles manières revivifiées
d’exprimer et de partager la vérité de cette confession avec le monde contemporain.
Le renoncement ultérieur à l’anathème de Nicée nous enseigne qu’aujourd’hui nous ne pouvons pas rendre témoignage à la vraie foi en recourant à l’exclusion ou à la condamnation, mais que nous le pouvons en réconciliant notre diversité dans une confession commune, fidèlement à ce que la Concorde de Leuenberg nous a aidés à comprendre.
2. Rôle du pouvoir politique
Nous sommes conscients qu’aux yeux de certains, l’empereur Constantin a joué un rôle très critiquable au Concile de Nicée et a largement abusé de son influence dans les délibérations théologiques. L’influence réelle de Constantin sur l’issue du Concile ne fait pas consensus.
Tout au long de l’histoire, les Églises protestantes ont aussi tiré un avantage de ce que les forces politiques assument la responsabilité de l’ordre. Mais nous prenons clairement nos distances face à certaines approches actuelles qui cherchent à dresser le portrait d’un empereur régnant sur un système modèle de gouvernement chrétien, caractérisé par l’unité harmonieuse entre pouvoir ecclésiastique et pouvoir politique : les pouvoirs politiques ne devraient pas être théologisés à l’excès et les Églises ne devraient pas non plus être instrumentalisées par les pouvoirs politiques.
Aujourd’hui, nous considérons que la garantie de la liberté de religion ou de croyance est l’une des tâches essentielles de l’État.
Soulignons que nous nous exprimons également dans un esprit d’autocritique vis-à-vis de notre propre histoire réformée qui montre que, dans certains cas, les protestants se sont appuyés sur les autorités pour se défaire de leurs opposants théologiques, en particulier en contraignant à émigrer ou en exécutant ceux qui refusaient de se rallier au Credo de Nicée. À cet égard, nous, CEPE, prônons
une tout autre compréhension du témoignage et du service en nous engageant en faveur de « la recherche de la jusce et de la paix » (art. 36 CL).
3. Date de Pâques commune
Conscients que les recherches historiques ne permettent pas de déterminer avec certitude dans quelle mesure l’instauration d’une date de Pâques commune remonte au Concile de Nicée, nous estimons néanmoins que ce choix est en soi un jalon qui devrait nous rappeler encore aujourd’hui notre responsabilité œcuménique commune. À l’heure actuelle, la chrétienté célèbre Pâques soit selon le calendrier ecclésial oriental (julien), soit selon le calendrier occidental (grégorien). Même au sein de notre communion d’Églises protestantes, certaines Églises établies dans l’environnement orthodoxe célèbrent Pâques selon le calendrier julien.
Selon la Concorde de Leuenberg, « la condition nécessaire et suffisante de la vraie unité de l’Église est l’accord dans la prédication fidèle de l’Évangile et l’administration fidèle des sacrements » (art. 2 CL).
La Concorde affirme également que « nous ne saurions dissocier la communion avec Jésus-Christ en son corps et en son sang de l’acte de manger et de boire » (art. 19 CL), puis que « la prédication des Églises gagne en crédibilité dans le monde quand elles rendent à l’Évangile un témoignage unanime » (art. 36 CL). En d’autres mots, la Concorde de Leuenberg nous incite à œuvrer pour faire en sorte qu’à l’avenir Pâques soit à nouveau célébré le même jour dans toute la chrétienté.
Bratislava, le 22 novembre 2025