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L'auteur Christian Albecker

Président de l'UEPAL, président de l'Église protestante de la Confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine, président de la Conférence des Églises riveraines du Rhin

Thème de la réflexion : Bible

An de grâce 2022 : l’invitation tient toujours !

« Jésus-Christ dit : celui qui vient à moi, je ne le rejetterai pas » Jean 6, 37

Comment avez-vous reçu ce mot d’ordre 2022 ? Pour ma part, j’avoue qu’il m’a mis mal à l’aise, et j’ai mis un peu de temps à comprendre pourquoi : c’est qu’il est formulé négativement (« Je ne le rejetterai pas »). C’est là sans doute le risque d’extraire un verset biblique de son contexte, et donc une invitation à le replacer dans celui-ci. Ce demi-verset est tiré du chapitre 6, le plus long de l’Évangile de Jean : 71 versets ! Le chapitre 6 est caractéristique du style de l’évangéliste, qui redit plusieurs fois les choses, selon un procédé littéraire courant dans l’Antiquité. Le verset complet est le suivant : « Tous ceux que le Père me donne viendront à moi, et celui qui vient à moi, je ne le rejetterai pas ». Ainsi, nous sommes donnés au Christ par la grâce et l’amour de Dieu, cela ne dépend pas de nous.

C’est dans ce même chapitre que figure une des paroles centrales du Christ « Je suis le pain de vie » (v.48) et « Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité ». Tout le chapitre développe le double thème de la relation de Dieu au Christ et de la relation du Christ aux croyants : c’est Dieu qui donne le Christ au monde comme sa vraie et indispensable nourriture, et c’est encore Dieu qui donne les humains au Christ, dès lors qu’ils acceptent de « manger son corps ».

Ce discours eucharistique est étonnant de la part du seul évangéliste qui ne raconte pas le dernier repas de Jésus avec ses disciples. Il est difficile à entendre, et l’évangéliste ne le cache pas : les juifs en discutent « violemment » (v.52) et beaucoup de ses disciples le quittent pour cette raison (v.66). Nous touchons-là au scandale-même de l’incarnation, que nous venons de fêter à Noël : Dieu se donne et se révèle à travers un enfant de chair et de sang, dans l’épaisseur de l’histoire humaine. Il nous accueille à sa table, où il est à la fois l’hôte qui invite et la nourriture qui se donne. Tout ce qu’il nous appartient de faire c’est de « manger sa chair et de boire son sang, pour avoir la vie éternelle » (v.54).

Notre mot d’ordre annonce donc que le Christ tient table ouverte, il n’y a ni barrière ni critères d’admission dans le cercle de ceux qu’il appelle ses amis.  Il suffit d’accepter d’entrer en communion avec lui, de se laisser donner à lui par Dieu. Cette réalité spirituelle profonde, c’est un peu le « Aime, et fais ce que tu veux » de Saint Augustin. Mais cela ne signifie pas « Fais n’importe quoi ». En Christ nous sommes libérés de toutes les servitudes mais appelés à servir, dans le respect, les plus petits et les plus fragiles. On pense évidemment à Luther : « Le chrétien est l’homme le plus libre ; maître de toutes choses il n’est assujetti à personne.  Le chrétien est en toutes choses le plus serviable des serviteurs ; il est assujetti à tous ». (Traité de la liberté chrétienne).

En cette année où la société française va être dominée par les débats politiques autour de l’élection présidentielle, sachons être des citoyens responsables qui prennent au sérieux les enjeux du débat, mais ne les érigent jamais en absolu. Prenons au sérieux nos responsabilités et nos engagements, mais ayons toujours à notre horizon la table ouverte de Celui qui nous accueille toutes et tous sans distinction, et se donne lui-même comme nourriture.

 

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