Cette rencontre a lieu tous les trois ans. En 2022, l’APAL (Association de pasteurs d’Alsace et de Lorraine) avait accueilli le congrès au Liebfrauenberg. Cette année, les délégués se sont rendus à Michelsberg/Cisnădioara en Roumanie. Outre des conférences sur un thème choisi, les échanges entre les pasteurs et avec les églises locales sont au centre de la rencontre.
Retour sur la conférence du pasteur nééerlandais Aarnoud van der Deijl par le pasteur Daniel Boessenbacher
Cette conférence avait pour thème : « Devons-nous sauver l’Église ? Les pasteurs entre l’illusion de la faisabilité et le travail de deuil. » Il s’agissait de la présentation de son livre intitulé : « L’avenir de l’Eglise ».
Aarnoud van der Deijl parle à partir de son expérience en tant que « pasteur pionnier », comme on pourrait le qualifier. Durant les 30 ans de son ministère pastoral, il a tenté beaucoup de choses pour essayer d’enrayer la chute du nombre de membres de son Église.
Lui et ses collègues ont suivi sept pistes pour inverser la tendance :
- La démythologisation. Il y avait l’espoir que la foi puisse être acceptable pour l’homme moderne, si nous parlons de manière scientifique. Résultat : pas d’intérêt pour le plus jeunes qui se tournent finalement plutôt vers les choses traditionnelles ou évangéliques.
- Moderniser les rites : cultes avec guitare… Cela a un peu fonctionné avec des personnes qui ne venaient pas avant au culte. Au bout d’un moment, les nouveaux venus ont abandonné car il n’y avait plus de surprise. « Les anciens » ne sont plus venus qu’aux cultes spéciaux. Le résultat est exactement le contraire de ce qui était attendu.
- Rendre la paroisse attractive. Les gens doivent s’y sentir comme dans une « auberge » (Gasthaus). Atmosphère familière. Mais, les gens ne se sont pas intéressés pour la foi. Cela a conduit à une sorte de perte d’identité.
- On a tenté d’apporter plus de soin à la prédication, avec notamment des prédications narratives. Les premiers effets sont positifs. Mais, en même temps face à une sorte de perte du contenu, une autre réaction a vu le jour : « Je n’ai pas besoin de la Bible pour découvrir une sorte de sagesse universelle ».
- L’Église a tenté de s’approprier les questions sociétales. Elle a organisé des manifestations anti-nucléaires ou s’est intéressées aux questions autour des demandeurs d’asile.
- Le développement de la culture a été une autre piste. Réaction des gens : La musique est formidable, mais cela ne développe pas notre foi. Certains ont trouvé cela trop élitiste.
- Se concentrer sur le vécu, comme par exemple les Églises pentecôtistes. Cela peut être une bonne chose, mais nous confirmons la tendance qui développe le marketing.
Toutes ces pistes sont inspirantes. L’orateur continue d’ailleurs à pratiquer certaines d’entre elles, mais elles n’ont pas permis de stopper la sécularisation. Chaque semaine deux églises ferment aux Pays-Bas. L’Église est passée de 80% à seulement 40% de la population. À partir de ce constat, Aarnoud van der Deijl propose d’effectuer un travail de deuil. En cela, il se réfère aux travaux d’Elisabeth Kübler Ross. Il souligne que si nous acceptons la réalité nous découvrons qu’il existe également une vie après la crise.
Après ce constat « Nous ne pouvons pas sauver l’Église », Aarnoud van der Deijl questionne « pouvons-nous faire sans l’Église ? »
Pour cela, il a interviewé des personnes, croyantes depuis peu, pour savoir ce qui leur manquerait si l’Église devait disparaître. Il en tire 5 ressources pour qui permettent de trouver de l’espoir et une consolation :
- La prise de conscience que la sécularisation n’est pas de notre faute. Nous ne sommes pas infaillibles, mais nous ne sommes pas de moins bons croyants que celles et ceux qui nous ont précédés.
- Se faire plaisir. Aarnoud van der Deijl fait ici référence à un pasteur dynamique et très investi dans des activités de jeunesse. L’auteur lui a demandé ce qui l’anime. Sa réponse n’a pas été hautement spirituelle, mais : se faire plaisir. Il s’agit de croire qu’on fait ce qui est bon, même s’il n’y a pas beaucoup de résultats.
- Même une petite Église peut être précieuse. De l’espoir naît quand l’église reprend conscience de sa vocation. (Sel de la terre et lumière du monde)
- L’église comme couvent peut constituer un nouveau modèle. Il est important d’avoir des lieux autres que les paroisses comme les couvents ou les lieux de retraite. Aarnoud van der Deijl retire deux perspectives de ce modèle : Même avec un petit groupe engagé on peut avoir de l’importance. La métaphore du couvent nous fait découvrir qu’en tant qu’Église on ne se regroupe pas face à un monde hostile, mais on prend conscience qu’il y a divers niveaux d’implication dans le monde.
- En référence à Elisabeth Kübler Ross, il est bon d’accepter la réalité. Cela permet de ne pas gaspiller son énergie et celle-ci peut, dès lors, être de mieux utilisée. Aarnoud van der Deijl établit un parallèle avec Jésus qui annonce la destruction du Temple. Il n’y plus de lieux pour les sacrifices, mais il faut plus se concentrer sur les actes d’amour (en référence à rabbi Yohanan qui réinterprète des paroles du prophète Osée).
Ainsi, selon Aarnoud van der Deijl, nous ne pouvons pas sauver l’Église, surtout si nous la considérons comme notre projet. C’est Dieu qui doit rester la figure essentielle. Même si elle est petite, l’Église garde son importance. Elle établit une communauté, pratique l’éthique et préserve un trésor d’histoires, de rituels et d’art. Continuons courageusement dans l’espoir que Dieu commence une nouvelle histoire avec son Église.
Une histoire dans laquelle Il est le protagoniste, mais dont je peux espérer être le narrateur.