31 mars 2021

Marc-Antoine Charpentier – Première Leçon de Ténèbres du Mercredy Saint pour une basse

Dans le cadre des Parenthèses de Carême, pour cheminer ensemble vers Pâques...

Marc-Antoine Charpentier, comme la plupart de ses contemporains, écrit des Leçons des Ténèbres : les spectacles à la Cour étant interdits durant le Carême, il fallait bien occuper les musiciens !

Ces œuvres mettent en musique le texte des Lamentations de Jérémie (ici les versets 1 à 5 du chap. 1), où le prophète de l’Ancien Testament déplore la destruction de Jérusalem par les Babyloniens. Dans la tradition catholique, par analogie, les Lamentations symbolisent la solitude du Christ abandonné par ses disciples. La mise en musique donne un relief particulier à la solitude, à l’abandon et au dépouillement de Jésus au jardin de Gethsémané.

M-A. Charpentier épouse le texte au plus près, affectant à chaque verset une couleur particulière et structurant cette première Leçon du Mercredi Saint sous la forme d’une petite cantate. En voici quelques caractéristiques :

– un prélude instrumental joué par les cordes doublées par deux flûtes traversières, à la fois sombre et doux.

– le chanteur annonce (01:08) : « Début des lamentions du prophète Jérémie – Aleph ». Chaque verset en latin est précédé de la lettre hébraïque qui servait de repère dans le texte original : ainsi Aleph, Beth, Guimel, Daleth et He sont chantées avec emphase pour introduire le verset suivant.

– verset 1 (02:20) : c’est un récit sans accompagnement qui évoque Jérusalem, cité meurtrie, dépouillée, vidée de ses habitants. « Beth » plonge sur une ligne descendante, confirmant la ruine.

– verset 2 (03:34) : la déploration est mise en musique par une ligne chromatique descendante, très douloureuse.

– verset 3  (05:45) : exil et esclavage sont rendus par des rythmes changeants soulignant le climat inquiet.

– verset 4 (07:10) : le changement de mètre en ternaire, la rupture tonale en fa mineur, la fugue chromatique sont autant d’éléments définissant le deuil, à savoir faire mémoire de ce qui n’est plus.

– verset 5  (08:52) : le rythme martial, scandé par les flûtes, désigne les ennemis persécuteurs.

– « Jerusalem convertere… » (Jerusalem, convertis-toi au Seigneur, ton Dieu) (10:01) : cette sentence sert de refrain à toutes les Leçons des Ténèbres, sous forme d’un puissant appel à la repentance.

 

À écouter : Pre leçon de ténèbres du Mercredy Saint pour une basse, H. 120

Stephan MacLeod, basse
Arte dei Suonatori, dir.  Alexis Kossenko

 

1Comment ! Elle est assise solitaire, cette ville si peuplée,
elle est pareille à une veuve !
Elle qui était grande parmi les nations, elle qui était une princesse parmi les provinces,
la voilà maintenant astreinte à la corvée !

 

2 Elle pleure durant la nuit et ses joues sont couvertes de larmes.
Parmi tous ceux qui l’aimaient, pas un ne la console :
tous ses amis l’ont trahie,
ils sont devenus ses ennemis.

 

3 Juda est en exil, accablé par la misère et un grand esclavage.
Il habite au milieu des nations
sans y trouver de repos.
Tous ses persécuteurs l’ont rattrapé au beau milieu des détresses.

 

4 Les chemins de Sion sont dans le deuil, car on ne va plus aux fêtes.
Toutes ses portes sont désertes,
ses prêtres gémissent,
ses jeunes filles sont pleines de chagrin et elle-même est remplie d’amertume.

 

5 Ses adversaires ont pris le dessus, ses ennemis sont tranquilles,
car c’est l’Éternel qui l’a plongée dans le chagrin
à cause du grand nombre de ses transgressions.
Ses enfants ont marché en déportés devant l’adversaire.

 

Lamentations de Jérémie - chap. 1

Photo Néstor Morales / Unsplash