Selon un enseignement talmudique
(Cf. Pauline Bebe : « Les quatre devoirs des parents » pp. 65-80 in : Peut-on faire le bonheur de ses enfants ? Éditions de l’Atelier, Paris, 2003),
les parents ont à transmettre quatre choses à leurs enfants :
- la Torah, la Bible juive,
- un métier,
- les amener sous la houppa, le dais nuptial !
- savoir nager
Cet enseignement ancien, d’une autre époque ?, propose quatre éléments « essentiels » à transmettre :
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la Torah !
Certes, à travers la Bible il s’agit de transmettre une culture, un langage, une histoire, une mémoire. Si nous élargissons, il est essentiel que ce qui fait notre « langage » soit cultivé et transmis : la littérature, notamment biblique, mais aussi la culture du chant, la capacité protestante à questionner et à débattre, l’attachement à la Loi pour la vie commune, la place de la femme à entière égalité de droit et de fonctions, l’importance que nous accordons à la conscience et à la responsabilité individuelle sur les questions éthiques de la vie … tout ce qui constitue notre « langage » protestant. Plus les racines seront fermes et profondes, plus la personne sera solide pour vivre, grandir et alors innover, risquer, expérimenter, créer, voire s’émanciper.
Transmettre cet essentiel du langage et de la culture ce sera rapprocher la personne d’une mémoire collective et d’un patrimoine humain pour les habiter, se les approprier et alors les transformer. C’est ainsi qu’une tradition peut créer du nouveau et rester pertinente : une tradition transmise à partir de laquelle « pourront se développer des générations qui se percevront en continuité avec les précédentes, tout en apportant de l’inédit » de la nouveauté, de la créativité.
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Un métier !
Certes, par un métier il s’agit de donner aux enfants la capacité de vivre sans les parents : c’est la recherche de l’indépendance. C’est que nous devons à nos enfants c’est de leur permettre de nous quitter, de ne pas peser sur eux et de leur permettre d’exister par eux-mêmes : « Ce qui est surprenant, c’est que la vraie filiation, est d’avoir reçu de ses parents le pouvoir de les quitter ».
Le métier permet alors certes l’indépendance matérielle, mais il conduit aussi à contribuer « au jardinage du monde » : chaque personne a un rôle et une place dans ce monde, pour le transformer, le modifier par son travail qui n’est donc pas qu’une fonction alimentaire, mais doit permettre à toute personne de trouver sa place et son rôle.
Lors de la Bar Mitsva de son enfant (l’équivalent chez les Juifs de notre confirmation), le parent est invité à dire cette prière : « Je te remercie, Éternel mon Dieu, de m’avoir délivré de la responsabilité de cet enfant ».
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Les amener sous la houppa, le dais nuptial !
Certes, c’est le mariage ! Mais bien au-delà, c’est enseigner « qu’il n’est pas bon d’être seul » et que l’être humain vit par et avec les autres. Les parents doivent faire en sorte que l’enfant puisse trouver un-e conjoint-e ou – plus loin – qu’il ne vive pas seul ; ce qui rappelle qu’il n’y a pas d’autosuffisance de la personne qui a toujours besoin d’un-e autre pour vivre. Le récit de la côte d’Adam (Genèse 2) peut être compris ainsi de la manière suivante : tant qu’il est « complet » (avec sa côte) Adam ne vit pas ! A partir du moment où il a du vide, du manque en lui, de l’absence (la côte n’est plus là) il peut rechercher, désirer, se tourner ailleurs, voir et reconnaître un-e autre : la vie (Eve).
Si nous élargissons, le dais nuptial représenterait cette capacité à aller vivre « ailleurs » sous un autre toit à trouver, à édifier, à développer : car c’est bien dans le couple que se cultivent non seulement l’alliance entre deux personnes différentes mais ce compromis permanent de vivre avec des autres différents de moi ! « Dans la pensée de Rousseau, le consentement amoureux, cette conversation est au cœur du pacte social : donnez-moi un couple amoureux, et je vous refais une société ».
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Savoir nager
Dans le contexte de cette enseignement talmudique, les familles juives devaient sans doute se déplacer souvent … en bateau ! D’où la nécessité de savoir nager en cas de naufrage, car il y a toujours des tempêtes et pas toujours les parents pour surnager. Si nous élargissons, savoir nager c’est apprendre à surnager face aux tempêtes et difficultés de la vie, car il y aura des difficultés.
Apprendre à nager, c’est aussi reconnaître que le monde que je « lègue » est difficile, avec ses orages et ses injustices. Mais en même en apprenant à nager, je pose un acte de confiance : l’autre saura nager et surnager. Car finalement, nous vivons d’une confiance reçue et partagée. Cette confiance qui nous précède n’est pas grandie par nos réussites, elle n’est pas ruinée par nos échecs. Et puisque ma propre vie a été digne d’une telle confiance de la part de Dieu, de la part de mes mères et pères, alors même que je n’y suis pour rien, il en va de même pour toute autre vie. Je te fais confiance : vas, vis, nage !
En protestantisme, que serait-il essentiel de transmettre ?
Un langage, un métier, la houppa, nager : comment comprenez-vous ces 4 devoirs ?
Rajouteriez-vous un 5e devoir ?
Devoirs des parents … uniquement des parents … ?