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L'auteur Christian Albecker

Président de l'UEPAL, président de l'Église protestante de la Confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine, président de la Conférence des Églises riveraines du Rhin

Thème de la réflexion : Éthique

Guerres, réconciliation et guérison des mémoires

Un sujet plus que d'actualité...

Le conflit en Ukraine bat son plein, et déjà on pense à l’après-guerre, aux éventuels jugements pour crimes de guerre, mais aussi aux chemins de réconciliation qui semblent aujourd’hui impossibles aux protagonistes. On sait que ces chemins seront d’autant plus longs que le conflit durera et que les exactions commises auront été plus graves. Il en va ainsi de toutes les guerres et de tous les conflits, que ce soit entre nations, entre groupes ou entre personnes. Le temps est un facteur essentiel du processus, et des décennies sont souvent nécessaires avant que le moment favorable ne se présente. Il a fallu plus de 50 ans pour que le président Chirac reconnaisse la responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs de France, et ce n’est qu’avec le rapport Stora de 2021, 60 ans après les événements, que la France s’est engagée sur un chemin de vérité mémorielle au sujet de la guerre d’Algérie.

Le comportement des protestants d’Alsace-Moselle durant la Seconde Guerre mondiale, et en particulier celui des pasteurs, fait partie de ces sujets sur lesquels la recherche de la vérité est douloureuse. « Tout le monde savait », entend-on souvent dire, mais personne ne voulait vraiment savoir. Les temps semblent maintenant mûrs pour tenter de faire la lumière sur cette période sombre. Je l’avais souhaité publiquement dès juin 2016 à l’occasion de l’Assemblée de l’Union. Mais il aura fallu attendre mars 2021 pour que le Conseil de l’Union décide d’organiser un colloque avec la Faculté de théologie protestante à ce sujet en novembre 2023. Les deux livres de Gérard Janus et Michel Weckel parus dans l’intervalle ne font que démontrer l’urgence de traiter le sujet sans tabou, avec le recul et l’objectivité indispensables. Car cette mémoire pèse encore sur beaucoup de consciences, au point que certains n’arrivent toujours pas à accepter des réalités concernant leurs parents ou leurs grands-parents, alors qu’eux-mêmes n’y sont pour rien. Le travail mémoriel doit précisément les aider à se libérer de cette chape pesante. Il doit aussi contribuer à nommer les responsabilités institutionnelles lorsque celles-ci ont été en jeu.

Travailler à la réconciliation, à la guérison des mémoires est une compétence des Églises qui répond à leur vocation. Mais lorsqu’elles sont elles-mêmes concernées, surtout en tant qu’institutions, cela reste difficile. Les événements actuels devraient alors les encourager à être plus courageuses en amont des conflits, en s’engageant activement pour la paix, en dénonçant les politiques nationalistes des va-t-en-guerre de tout poil, en luttant contre les courses à l’armement. Cela pourrait ainsi leur éviter d’avoir à jouer les pompiers après la catastrophe.

 

© Lina Trochez / Unsplash

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