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L'auteur Christian Albecker

Président de l'UEPAL, président de l'Église protestante de la Confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine, président de la Conférence des Églises riveraines du Rhin

Thème de la réflexion : Politique, Théologie et Spiritualité

L’espérance d’un petit matin

« Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! » avons-nous chanté et proclamé durant les récentes fêtes de Pâques. Cette antique et joyeuse profession de foi peut sembler relever de la méthode Coué, tant le quotidien est resté prégnant avec son cortège déprimant de violences et de « faits divers ». Violence verbale avec les menaces de mort proférées contre les paroissiens de Saint Guillaume et leur pasteur, violence physique avec l’agression dans son bureau de la secrétaire de la paroisse Saint Thomas. Violence institutionnelle avec les limogeages à répétition dans le diocèse catholique de Strasbourg. Violence dans les rues contre une réforme des retraites mal préparée et perçue comme injuste. Violence enfin d’une guerre sur notre continent à laquelle on s’est déjà habitué.

Les violences verbales et les agressions physiques s’expliquent sans doute par une dégradation de la santé mentale dans notre société. Les effets retard de la pandémie, la perte des repères traditionnels et les possibilités de défoulement anonyme sans limite que permettent les réseaux sociaux peuvent être à l’origine de cette dégradation. Il est inacceptable que ce soient des communautés religieuses ou d’autres qui en fassent les frais, sur fond de fanatisme religieux ou anti-religieux.

Les révélations à répétition dans le diocèse catholique de Strasbourg ont suscité un profond malaise. La démission de l’archevêque clarifie au moins les choses pour ses collaborateurs, profondément malheureux de l’ignorance dans laquelle ils étaient et déstabilisés par le climat de suspicion entretenu depuis des mois. La dénonciation des abus sexuels dont l’archevêque s’était fait le champion montre que les excès, dans ce domaine comme dans d’autres, ne sont jamais souhaitables. Il est clair que l’époque où la parole des victimes n’était pas entendue doit être révolue et que la justice doit passer chaque fois que des faits délictuels ou criminels sont avérés. Mais veillons à ne pas tomber dans l’excès inverse qui serait de dresser des bûchers médiatiques pour des sorciers dont les « procès » seraient fondés sur des rumeurs ou des faits non avérés. Le souci des personnes, victimes ou auteurs présumés, doit primer sur celui de l’institution.

La rue va-t-elle par ailleurs se calmer ? Rien n’est moins sûr. En voulant décréter la fin de la politique et de l’opposition gauche-droite au profit d’une gestion pragmatique et « efficace », le chef de l’État a en fait tué le dialogue syndical et le débat politique. Même si le pire n’est jamais sûr, cette démarche fait le lit des extrêmes, et il devient vraisemblable que le Rassemblement national, qui n’a rien proposé durant la crise des retraites, tirera les marrons du feu au prochain scrutin présidentiel.

Quant à la guerre en Ukraine, on ne voit pas à court terme quelle issue ce conflit, que Poutine mène comme une guerre de civilisation contre un « Occident dégénéré », pourrait connaître.

Et pourtant, il est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! Comment vivre cette tension entre une réalité oppressante et une proclamation qui « met le monde à l’envers » en affirmant que la vie est plus forte que la mort ? Pour affronter ce paradoxe, il faut revenir à la source biblique, et constater que la résurrection du Christ est passée totalement inaperçue, selon le témoignage des Évangiles. L’évangéliste Matthieu a bien essayé de donner un peu de « tenue médiatique » à l’événement, en mettant en scène un grand tremblement de terre et un ange qui descend du ciel pour rouler la pierre. Mais il est le seul. Les trois autres présentent un récit beaucoup plus sobre, en particulier Jean, qui décrit simplement le tombeau vide, avec des détails matériels, mais sans messager en vêtement blanc. En revanche Jean relate avec précision la rencontre de Marie de Magdala avec Jésus le ressuscité, et leur émouvant dialogue qui se termine par un seul mot : Marie ! Le Christ ressuscité n’est pas dans la terre qui tremble ni dans le « bling-bling » médiatique, il est dans le silence et la douceur d’un jardin matinal, et nous appelle par notre nom. L’évangéliste Luc nous raconte aussi un événement qui a lieu après le tombeau vide : la route d’Emmaüs sur laquelle deux disciples cheminent avec le ressuscité. L’un des points communs entre les deux récits est que la parole de Jésus commence par des questions : « Pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » et « De quoi discutez-vous en marchant ? ». C’est peut-être là le secret de la résurrection : non pas le rêve d’un grand soir, mais l’attente et l’espérance d’un petit matin, où le Ressuscité vient nous rejoindre et nous interpeller là où nous sommes.

© canva.com

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