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L'auteur Christian Albecker

Président de l'UEPAL, président de l'Église protestante de la Confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine, président de la Conférence des Églises riveraines du Rhin

Thème de la réflexion : Théologie et Spiritualité

Noël

Fête de la lumière et de l'espérance !

« Les ténèbres ne régneront pas toujours sur la terre
où il y a maintenant des angoisses […].
Le peuple qui marchait dans les ténèbres
voit une grande lumière ;
Sur celles et ceux qui habitaient le pays
de l’ombre de la mort
une lumière resplendit. […]
Car un enfant nous est né, un fils nous est donné »

Ésaïe 9, 1-2, 5

D’année en année peut croître le sentiment que les ténèbres s’épaississent dans notre monde, au point qu’il ne sait plus où il va, tant la violence, les injustices, la dégradation de notre planète semblent prendre des proportions que personne ne peut plus maîtriser. L’angoisse de beaucoup de nos contemporains devient presque palpable. Ne parle-t-on pas désormais d’éco-anxiété ? Parmi les symptômes palpables de cette angoisse, on entend de plus en plus de jeunes adultes affirmer leur volonté de ne pas avoir d’enfants. Terrible pessimisme, que l’on peut malheureusement comprendre, tant l’avenir qui se dessine pour les générations futures semble sombre. Mais céder à ce pessimisme, c’est aussi accepter la mort de l’espérance, et peut-être la mort tout court. Car donner la vie, c’est rendre possible l’impossible. Hannah Arendt, célèbre philosophe allemande d’origine juive le disait à sa manière : « Le miracle qui sauve le monde, c’est finalement la naissance dans laquelle s’enracine fondamentalement la faculté d’agir. […] Le nouveau apparaît donc toujours comme un miracle. Le fait que l’homme est capable d’action signifie que de sa part on peut s’attendre à l’inattendu, qu’il est en mesure d’accomplir ce qui est infiniment improbable ». Chaque enfant qui naît est une proclamation d’espérance, une vie nouvelle susceptible d’inventer des chemins nouveaux.

Écrasé par la toute-puissance de l’Assyrie, l’Israël du 8e siècle avant Jésus-Christ où vivait le prophète Ésaïe n’avait pas davantage que nous de raisons d’espérer. Et c’est dans ce contexte sans avenir apparent que le prophète, il y a plus de 2700 ans, proclame son message : « Les ténèbres ne règneront pas toujours sur la terre ! ». Pour les chrétiens, cette promesse s’est accomplie dans la naissance d’un enfant, venu au monde dans la nuit de la pauvreté et de l’exclusion, dans un contexte de violence politique.

Les Églises ont trop longtemps encouragé les naissances par une compréhension erronée du « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la ! » ! » de Genèse 1, 28. Ils oubliaient d’une part que ce commandement était suivi un peu plus loin – eh oui ! – par celui d’être végétarien (v.29) et d’autre part que cette domination impliquait une responsabilité : c’est pour l’avoir oubliée que l’humanité, selon Genèse 6, fut victime du déluge ! Avec la naissance de Jésus, c’est Dieu lui-même qui « devient fécond sur la terre et vient pour la remplir », mais non plus par domination ou l’assujettissement, mais par l’amour, la solidarité et la vie en plénitude.

Il nous faut inlassablement redire au monde ce message d’espérance inauguré à Noël : « Sur celles et ceux qui habitaient le pays de l’ombre de la mort, une lumière resplendit ! ». Lumière de la vie plus forte que la mort, lumière de la paix, lumière du respect d’autrui et de la solidarité avec les plus faibles. En voyant cette lumière dans le nouveau-né Jésus, faible et sans défense, nous affirmons avec force que Dieu n’a pas un programme qu’il voudrait nous imposer, mais qu’il veut grandir avec nous et en nous, comme l’enfant grandit avec celles et ceux qui l’accompagnent. Et cette promesse de vie du Christ, inaugurée dans l’enfant de la crèche, sera définitivement signée et confirmée le matin de Pâques.

Beau temps de l’Avent et joyeux Noël à toutes et à tous !

© JOHN TOWNER / Unsplash

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